Le 25 mai 2020, Georges Floyd, notre frère, était assassiné par Derek Chauvin avec la complicité de Tou Thao, à Minneapolis. Pendant 8 minutes, Georges demande à pouvoir respirer : ‘I can’t breathe’. C’est insoutenable. Un confrère m’a dit être sous le choc. Sa peine est devenue la mienne et a porté à ma conscience la cruauté d’un représentant de la loi, multi-récidiviste de violences, à l’égard d’un homme innocent. L’émotion demeure en moi en écrivant ces lignes : je suis sensible à la souffrance d’autrui.
Derek Chauvin et Tou Thao sont aussi ‘mes frères’, je ne peux pas totalement m’absoudre de leur crime. Quels sont les préjugés issus de ma famille, de ma culture, de mon histoire, dont je peux me rendre davantage conscient pour m’efforcer de les neutraliser ? Comment savoir l’impact qu’ils peuvent avoir si je n’accueille pas la parole de celui qui me dit avoir ressenti une négligence, un amalgame, une discrimination, si petite soit-elle ?
Georges était de peau noire, et Derek de peau blanche. Il se trouve que les personnes de peau noire sont plus souvent victimes de discrimination, et le parcours de Georges en témoigne : il alterne entre la petite délinquance et les efforts pour s’en sortir. C’est d’abord d’inégalités sociales (déracinement, fragilité familiale), culturelles (accès à l’éducation) et économiques (quartier de résidence, chômage) qu’il faudrait parler pour identifier Georges Floyd et toutes les personnes victimes de discrimination. La situation n’est pas la même aux Etats-Unis et en France, mais cela ne m’absout pas de m’engager ici pour que le slogan ‘Black lives matter’ prenne le goût de l’Evangile : ‘J’étais nu, et vous m’avez vêtu, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi’ (Mt 25,36). Car toute vie compte aux yeux de Dieu, en particulier la vie des petits et des pauvres.
La mixité d’un groupe encourage une meilleure approche de la diversité. Et une formation peut aider à mieux connaître l’autre, à s’enrichir dans la collaboration. C’est là je crois notre chance, et notre responsabilité, comme spiritains : appartenant à une communauté de frères dans la vie religieuse, fondée pour le service des plus abandonnés, développée dans le mouvement de l’abolition de l’esclavage, et aujourd’hui habituée aux communautés internationales, en contexte multi-religieux. L’universalité de la dignité des personnes et des droits humains sont des valeurs constitutives du futur de l’humanité. Nous en sommes porteurs, et avec d’autres, appelés à en être promoteurs, par des moyens dignes, en évitant de diviser les gens.
Dès cet été, voyons comment promouvoir au quotidien cette fraternité de tous les enfants du Père. Bon été !
Père Jean-Pascal LOMBART