Ce qui compte aux yeux de Dieu, c’est le don de soi et l’accueil du frère et de la sœur que le Seigneur nous donne pour que nous veillions sur lui, sur elle. Jean Pascal Lombart
La messe de clotûre du Chapitre spiritain s’est vécue à la maison-mère à Paris. Jean Pascal Lombart, nouveau provincial de France a donné sa première homélie.
Devant l’autel, quelques grains de blé semés en début de Chapitre ont germé. Chaque capitulant et amis de la famille spiritaine est reparti avec un petit pot pour le cultiver en vue du Royaume de Dieu.
Homélie :
L’évangile rapporte un écart. C’est l’écart entre la familiarité des gens de Nazareth avec celui qu’ils ne voyaient pas autrement qu’un des leurs, d’une part, et d’autre part la manifestation divine par sagesse des paroles et les miracles opérés par Jésus. Ils étaient choqués, et Jésus se désole de voir que cet écart ne les conduit pas à une foi plus profonde. Comme s’ils attendaient la venue d’un ange pour se laisser interpeller, mais surement pas l’un des leurs. On retrouve cet écart dans la première lecture quand un exilé, Ezechiel se permet de dire à ses frères : ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’ Ils le rejettent, ne pouvant concevoir que l’Esprit de Dieu soit sorti du Temple et du pays de la promesse pour venir demeurer dans un réfugié comme eux sont réfugiés sur une terre étrangère. A nouveau dans l’Epître, Paul souligne l’écart entre la faiblesse de l’instrument et la puissance divine qui se déploie en lui : ‘Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse’. Ces écarts sont cause de scandale pour ceux qui ne conçoivent pas que Dieu puisse se compromettre avec la faiblesse et la confusion de l’humanité. Car si tel était le cas, cela signifierait que Dieu compte sur nous, qu’il nous fait confiance, et que nous avons une part de responsabilité dans la réalisation de ses promesses.
Nous pourrions relire notre travail de Chapitre qui se termine comme un acte de foi : nous avons cru que la Sagesse de Dieu pouvait se dire par la bouche de nos confrères et par la bouche de toutes les personnes qui sont intervenues dans nos assemblées. Pour cela, nous nous sommes disposés à écouter chacun dire ce qu’il voyait, ce qu’il comprenait, ce à quoi il sentait que nous sommes appelés à ce moment de notre parcours de province. Et ces derniers jours, nous avons cru pouvoir nous accorder sur des convictions, des priorités, des manières de faire. Et nous avons vu l’œuvre de l’Esprit Saint qui nous accorde les uns aux autres dans cet effort.
Il nous faut maintenant faire un nouvel acte de foi, à la suite de ceux qui nous ont précédé : croire que c’est grâce à la faiblesse de l’instrument que la puissance divine peut se révéler. Cette faiblesse n’est pas démission de nos responsabilités, mais grande conscience de nos limites et fragilités, grande souplesse dans la conduite de nos affaires – qui nous permette de nous laisser conduire – et grand détachement dans la façon de mesurer les résultats. En effet, nous croyons que : c’est avec du tout petit que notre Dieu créé du très grand, c’est avec du rejeté qu’il révèle sa beauté, à travers l’échec que se manifeste sa victoire. Sommes-nous disposés à croire que le Seigneur peut opérer des miracles par l’un des nôtres, et à scruter obstinément les signes de vie nouvelle à accompagner – plutôt que de maudire l’obscurité ? Je pense au regard que nous portons sur un frère de notre communauté, une sœur engagée à nos côtés comme associée ou dans une Fraternité Esprit et Mission, un réfugié accueilli dans notre maison, une communauté fragile. Ce qui compte aux yeux de Dieu, c’est le don de soi et l’accueil du frère et de la sœur que le Seigneur nous donne pour que nous veillions sur lui, sur elle.
La mémoire de l’œuvre du Seigneur dans notre chapitre, nous donne une grande confiance. Nous nous souvenons aussi des différents moments qui l’ont précédé, depuis les premiers pas de Claude François Poullart des Places dans ce quartier, à Louis le Grand ; depuis la conversion de François Libermann dans ce même quartier, au collège Stanislas. Cette mémoire nous donne une grande confiance : l’Esprit du Seigneur est à l’œuvre dans la petite graine qu’il a plantée ici. L’arbre spiritain donne de beaux fruits, il a étendu ses branches dans de multiples pays et de nombreux oiseaux sont venus habiter sa ramure. Nous sommes les semences de cet arbre. Ce qui est demandé à la graine, c’est de donner ce qu’elle est, à la manière d’un jeune homme venu de Bretagne, à la manière d’un juif venu d’Alsace, humblement, confiants que la moisson sera abondante, le moment venu.
Notre forme de vie, consacrée pour vivre les conseils évangéliques en Eglise, est une grâce pour poursuivre ensemble un chemin à la suite du Maître qui est sorti donner sa vie pour ceux qu’il aimait. Il nous envoie à la rencontre de chacun de ses frères et sœurs, afin qu’ils entrent en parfaite communion avec le Père, par le Fils, dans l’Esprit.