La spiritualité du Sycomore, Luc 19,1-10
Quand on raconte l’histoire de Zachée aux enfants de catéchisme, ils la trouvent toujours amusante. Malgré le sérieux du sujet, Zachée amuse les petits par sa démarche. C’est que les enfants s’identifient facilement avec ce personnage de petite taille, qui court vite et grimpe sur un arbre pour voir Jésus qui va passer par là.
Sans le savoir, Zachée rentre dans cette attitude que Jésus recommande maintes fois à ses disciples : on accueille mieux le Royaume de Dieu en se faisant petit. La Bonne Nouvelle s’entend mieux avec un cœur de pauvre et de petit. La formule absolue dit même qu’on n’entre pas dans le Royaume du Ciel sans ressembler à un enfant. C’est bien ce que Zachée fait quand il se débarrasse de son statut de cadre supérieur, quand il claque la porte de son bureau de fisc et s’en va grimper sur un sycomore. Il grimpe pour s’élever en altitude. Mais dans son attitude spirituelle il s’abaisse profondément, devenant comme un enfant, poussé par le seul désir de connaître Jésus.
Peut-être a-t-on ri de Zachée ce jour-là, lorsque Jésus le repère sur l’arbre et lui demande gentiment de descendre vite? Mais en se précipitant de descendre, alors même qu’il perd de son altitude dans les branches, Zachée prend de la hauteur. C’est là le retournement. La pointe. Zachée est désormais capable de penser aux pauvres, aux autres « gilets jaunes » ou leurs équivalents de l’époque, et de se soucier pour la justice sociale. « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Ce n’est plus le fisc qui parle. Le fisc ne rend pas. Il prend. C’est un fils d’Abraham qui se laisse évangéliser.
Énorme leçon pour nous, quand nous prenons de l’altitude en grade, en âge, en responsabilité – de quelque manière que ce soit. Zachée nous rappelle qu’il ne faut pas perdre l’attitude qui plaît le plus à Dieu, qui nous rapproche le plus de son cœur, à savoir la spiritualité de l’enfance, « spiritualité du sycomore », celle-là même dont le Père Libermann et Thérèse de Lisieux nous ont laissés un corpus volumineux dans les faits comme dans les écrits. Car le Royaume des Cieux est pour ceux qui ressemblent aux petits.
Richard FAGAH, spiritain