« Préparez le chemin du Seigneur » : nous savons qu’il n’est pas facile de déblayer nos vies encombrées, de rendre droit ce qui est tortueux, d’aplanir toutes les déformations que les blessures de la vie et toutes sortes de difficultés ont accumulées autour de nous… Voici ce temps béni de l’Avent qui nous est justement proposé pour entreprendre un mieux-être, un mieux vivre. Nous nous rendons bien compte, le plus souvent, que nous ne pourrons pas nous en sortir en continuant comme ça… Mais nous ne savons souvent pas quoi faire pour trouver une issue.
Paul, dans la 2ème lecture, prie pour que nous progressions dans la clairvoyance. Il nous donne le plus sage des conseils : il s’agit de « discerner ce qui est plus important ». Une fois encore, l’actualité de l’Écriture a de quoi nous surprendre et nous émerveiller ! Car cette réflexion sur le « plus important », n’est-ce pas ce qui fait le plus cruellement défaut à nos contemporains ? Regardez la campagne électorale pour les présidentielles qui vient de commencer : qu’est ce qui est important pour voter pour un tel plutôt que pour un tel autre ? Mon petit confort ? Ma tranquillité ? Mon mieux être ? On est comme dans un supermarché où chacun choisit ce qui va être bon pour lui… La consommation nous a fait perdre tous repère de priorité. C’est tout et tout de suite. Il est temps de prendre du recul, aller dans le désert en se disant au moins que tout n’est pas important, que tout n’est pas nécessaire à notre bonheur, loin s’en faut… J’imagine que enfermés dans vos cellules, entre les 4 murs de la prison de Fleury, vous devez vous rendre compte de ce qui est essentiel pour tenir le coup.
Oui, il y a le désert que l’on ne choisit pas, celui que l’on subit. D’une certaine façon, vous y êtes dans une sorte de désert imposé à la prison. Je pense aussi à telle personne qui apprend que son cancer se développe. Elle a l’impression que Dieu l’abandonne dans ce désert qu’elle traverse. Je pense à celles et ceux qui sont sur un canot pour traverser la Manche, ballotés par les vagues et le vent. Où est Dieu quand le canot risque de sombrer ? Celles et ceux qui sont dans le désert en Mauritanie, lâchés par les passeurs, et qui meurent de soif et de fin, égarés, loin de tout.
Mais l’évangile nous dit que Dieu a parlé à Jean Baptiste dans le désert. Il est là aussi dans le désert de l’enfermement, ou de la terrible maladie. Il est dans le désert de la mort, celui de l’échec familial, professionnel ou du chômage. Le Dieu que nous allons célébrer à Noël est celui qui s’est fait l’un de nous. Jésus est venu dire au monde que Dieu est avec nous tous les jours, même dans les pires moments. Non seulement il marche à nos côtés mais bien souvent il nous porte. Voilà une bonne nouvelle qui devrait nous remplir de joie et d’espérance.
Mais il y a tant de gens qui traversent leur propre désert sans savoir que quelqu’un peut les y accompagner. Nous sommes envoyés pour le leur dire par nos paroles et surtout par nos actes. Quand nous repérons un détenu nouveau venu qui n’est pas bien dans sa peau. Quand nous nous organisons pour sortir quelqu’un de sa galère, le Seigneur est là. Tout ce que nous faisons au plus petit d’entre les siens c’est à lui que nous le faisons. Tous les gestes de solidarité et de partage sont une manière de lui ouvrir un chemin. Le pape François qui ramène 50 migrants de Chypre à Rome ouvre, à sa manière, un chemin de l’avent. Quand Dieu voit son peuple dans le besoin, il appelle des hommes et des femmes à passer dans le désert. Il leur donne la grâce de sentir et d’aimer comme lui. Il leur donne la force d’entreprendre et il les envoie préparer des chemins pour la Bonne Nouvelle.
Une voix crie dans le désert. Elle nous appelle à raboter les montagnes de notre égoïsme, à combler les fossés de notre indifférence, à construire des ponts de fraternité qui nous rapprochent les uns des autres. A nous de reconnaître ces obstacles, ces bosses et ces barrières qui empêchent la venue du Seigneur en nous. Il ne cesse de frapper à notre porte pour nous dire qu’il nous aime et qu’il nous attend.
Il n’y avait pas de place pour lui dans les hôtelleries de Bethléem. Y en aura-t-il une pour lui dans notre vie ? En ce temps de l’Avent, Dieu nous appelle au désert. Mettons-nous à l’Ecoute de son Esprit pour lui préparer un chemin et l’accueillir dans notre vie. C’est à ce prix que nous pourrons vivre Noël en vérité.
Franz Lichtle, spiritain célébrant la messe du 2e dimanche de l’Avent à la maison d’arrêt de Fleury Merogis