Un jeune homme de caractère
De santé fragile, le père Brottier est pourtant depuis l’enfance de caractère déterminé. Brillant, drôle et enjoué, il se révèle un éducateur-né.
Daniel Brottier est né le 7 septembre 1876 à La Ferté-Saint-Cyr (Loir-et-Cher). Son père, Jean-Baptiste Brottier, est responsable des écuries du marquis de Durfort. Avec son frère aîné, Gaston, il fréquente l’école communale où il laissera le souvenir d’un garçon ardent et intrépide.
Âgé de 5 ans, il déclare bravement à sa mère qu’il veut être pape. Plus tard, sa détermination à vouloir devenir prêtre ira jusqu’à faire plier le curé de son village qui commencera à lui enseigner le latin bien avant son entrée au petit séminaire.
En octobre 1887, il quitte sa famille pour le petit séminaire de Blois. À 14 ans, il est atteint d’une fièvre typhoïde qui lui laissera de graves séquelles : toute sa vie il souffrira jour et nuit de violents maux de tête. À 17 ans, il entre au séminaire de Blois. En raison de sa santé délicate, Daniel Brottier poursuit son séminaire en tant qu’externe, en pension chez ses parents, qui sont devenus concierges du petit séminaire. Il bénéficie de ce fait de temps libre qu’il emploie au service du patronage de l’abbé Taranne.
Il fera ses premières armes d’éducateur avec ce prêtre légendaire dans la région. En 1897, Mgr Laborde, son évêque le nomme surveillant au collège de Pontlevoy. Ordonné prêtre le 22 octobre 1899, Mgr Laborde prolonge sa mission à Pontlevoy pour 3 ans où il est nommé « maître de la division des moyens ».
Le Père Brottier et l’Afrique
En Afrique, le père Brottier est chargé des œuvres de jeunesse. Il touche si bien les esprits et les cœurs que son souvenir est encore présent au Sénégal.
Un an après son entrée au petit séminaire, le jeune Daniel avait confié au père supérieur son désir de devenir missionnaire. Il reçut deux conseils : celui de n’en parler à personne et celui de ne plus y penser, de travailler et d’attendre.
Après deux années passées au collège de Pontlevoy, Daniel Brottier prend contact avec les pères du Saint-Esprit. En juillet 1902, Daniel Brottier écrit à sa famille son intention d’entrer au noviciat des pères du Saint-Esprit pour devenir missionnaire. Il se heurte à une forte réticence, qui s’ajoute à celle de son évêque, soucieux de le conserver dans son diocèse, mais qui finira par autoriser son départ.
En septembre 1902, Daniel Brottier entre au noviciat des pères du Saint-Esprit. Au milieu des austérités du noviciat, il reste semblable à lui-même, plein de bon sens et de gaîté. Daniel Brottier fait sa profession religieuse le 30 septembre 1903. Il reçoit alors sa nomination : second vicaire à Saint-Louis du Sénégal.
Le père Brottier arrive à Dakar le 26 novembre 1903 et dès le lendemain, aborde à la mission de Saint-Louis. Il fait connaissance avec son curé, le père Jalabert, qui eut vite fait de l’apprécier et dont il devint le confident et ami.
La situation à Saint-Louis n’est pas de tout repos : une épidémie de fièvre jaune vient de décimer la population et les mesures anticléricales du gouvernement ont conduit à l’expulsion des frères et sœurs des écoles et des hôpitaux. Le père Brottier est alors chargé des œuvres de jeunesse. Le journal de la communauté des pères nous apprend que, pendant son séjour à Saint-Louis, la santé du père Brottier laisse souvent à désirer. Rapatrié en France pour raisons de santé, le père Brottier est nommé vicaire général par Mgr Jalabert, vicaire apostolique de Dakar et chargé de diriger à Paris l’œuvre du Souvenir Africain. Ce sera sa première expérience dans la levée de fonds et il y consacrera toute son énergie ! Le père Brottier parvint à trouver en France plus de 200 000 bienfaiteurs pour le Souvenir Africain et une somme totale de 7 millions de francs.
Aumônier de légende
De 1914 à 1919, le père Brottier ne cessera d’être aux côtés des soldats, dans les tranchées. Après la guerre, il crée l’Union Nationale des Combattants.
Non mobilisable en raison de ses graves problèmes de santé, le père Brottier choisit de s’engager dans le corps des aumôniers volontaires créé par Albert de Mun. Il rejoint la 26e division d’infanterie et passera la guerre dans les tranchées avec les soldats.
Directeur des Orphelins Apprentis d’Auteuil
Lorsque le père Brottier arrive à Auteuil en 1923, la situation est catastrophique. Il va devoir déployer tout son génie pour sauver Les Orphelins Apprentis d’Auteuil.
Les professeurs menacent de saisir les prud’hommes, les jeunes sont au bord de la révolte. À l’issue du premier conseil d’administration, le père Brottier fait cette déclaration « »Je considère la situation humainement parlant comme impossible à redresser. Dans ce cas, il reste à se tourner vers Dieu et ses saints. Thérèse de l’Enfant-Jésus m’a prouvé que pour elle, un miracle est un jouet ; je lui confie nos enfants et je reste tout à fait tranquille ».
Pour être « tout à fait tranquille », le père Brottier n’en demeure pas inactif pour autant. Au contraire, il va se dépenser sans compter au service de ses orphelins avec une double ligne de conduite :
– S’appuyer sur les pèlerins qui viendront à la chapelle pour développer le nombre des bienfaiteurs,
– Augmenter le nombre d’enfants recueillis, créer de nouveaux ateliers et développer l’œuvre en province.
Il a à sa disposition les publications de l’œuvre qui lui permettent de toucher plusieurs centaines de milliers d’abonnés et les ventes de charité qui feront venir des dizaines de milliers de personnes. Il n’hésitera pas non plus à utiliser les journaux, les affiches aux portes des églises – et même… le métro ! – sans oublier son impressionnant courrier quotidien d’une centaine de lettres qu’il rédige lui-même.
Fort de l’expérience acquise avec la construction de la cathédrale de Dakar, il a recours aux méthodes de levée de fonds les plus modernes. La réponse dépassera ses espérances : de 1928 à 1932, plus de sept millions sont investis dans la rénovation des bâtiments et la construction de nouveaux ateliers. De toutes parts, les soutiens affluent et ne manqueront pas : il reçoit le prix Niobé de l’Académie française et obtient la reconnaissance « d’utilité publique » pour l’œuvre en 1929.
Bienheureux Père Brottier
Le père Brottier meurt le 28 février 1936. Sa renommée est immense. Il est béatifié le 25 novembre 1984 par le pape Jean Paul II.
Depuis plusieurs années, la santé du père Brottier laissait à désirer. Une alerte cardiaque l’avait obligé en 1933 à prendre deux mois de repos en Suisse et depuis, il lui fallait se ménager. La prochaine consécration de la cathédrale de Dakar l’avait contraint à un surcroît de travail pendant le mois de janvier 1936. Le 2 février, jour de la consécration de la cathédrale, il assiste le matin à une petite fête préparée en secret par ses « orphelins » et célèbre ensuite une messe d’action de grâce dans la chapelle Sainte-Thérèse. Toute la journée, il fut dans une grande joie, mais il était aussi visiblement fatigué.
Le lendemain, il se leva à grand-peine, présida le conseil hebdomadaire, puis retourna s’allonger ; il ne devait plus se relever. Appelé d’urgence, son médecin très inquiet demande qu’on le veille jour et nuit ; l’état du père Brottier ne cessera de se dégrader. Transporté à l’hôpital, il meurt le 28 février 1936 vers 4 heures du matin. Le ministère de l’Intérieur ayant donné l’autorisation d’une inhumation définitive du père Brottier dans « sa » chapelle, elle s’est tenue le 23 avril 1936.