HOMELIE Du FORUM de Pentecôte « Heureux vous qui prenez soin de la terre »
Notre chapelle ornée de fleurs et de branches me rappelle le temps où je visitais les villages de la sierra madre mexicaine. Les jours de fête les chapelles étaient également décorées de grandes feuilles de bananiers, de branches de buis, de fleurs de bougainvilliers et de roses sauvages. J‘ai été marqué par les traditions des populations amérindiennes si proches de la nature, du monde animal ou végétal au point de saluer certains matins de fête, le lever du soleil, de cet astre précieux qui a été créé par Dieu pour nous offrir l’opportunité de vivre une nouvelle journée. Les peuples autochtones de la sierra d’Amérique centrale, de la cordillère des Andes, du fond des forêts de l’Amazonie et du Congo ou sur des îles isolées du Pacifique ont, dit-on, mieux que d’autres populations su préserver leur environnement naturel.
De tels faits fascinent et interrogent nos modes de vie hyper urbanisés alors que nous sommes de plus en plus sensibles aux questions touchant la préservation de l’écosystème et de la lutte contre le dérèglement climatique.
En contemplant la nature, nous sommes habités par des émotions fortes et profondes, et nous sentons bien l’appel à approfondir notre relation avec le vivant, avec le monde végétal et avec le monde animal. Nous avons encore beaucoup à apprendre du livre de la nature. Le monde du vivant participe à notre élévation spirituelle. Il est l’expression de la puissance divine. La nature n’est pas élevée au rang de divinité, mais elle est traversée par l’énergie de Dieu qu’elle transmet et communique à sa manière. Nous sommes, aujourd’hui plus qu’hier, interpellés par ces systèmes de société que l’on qualifiait autrefois de primitifs et de superstitieux, mais qui essayaient de nouer des alliances avec les puissances naturelles. Je le note fréquemment, lors des visites du musée des arts africains d’Allex, lorsque les visiteurs restent silencieux devant les amulettes et autres objets rituels qui cherchaient à capter les forces de la nature et à les potentialisés pour se protéger ou pour guérir… Ces traditions éloignées des nôtres ne doivent pas nous détourner du témoignage laissé par nos prédécesseurs chrétiens. Les pères de l’Eglise et les premiers chrétiens voyaient la résurrection en toutes choses, avec le vol d’un oiseau ou le déploiement d’un arbre. Saint Augustin invitait à lire dans la nature la « première bible ». Au sein de notre environnement naturel Dieu s’y cache et en même temps il s’y dévoile.
L’encyclique du pape François commence elle aussi par cet élan de louange : « Laudato Si ! » La contemplation nous conduit à louer le Dieu créateur sans qui, nos efforts pour un mode de vie plus sobre, moins consumériste, moins polluant et plus respectueux de la biodiversité serait voué à l’échec ou à un sentiment d’amertume devant les pauvres petits pas accomplis alors que les enjeux semblent si nombreux.
La « conversion écologique » à laquelle nous sommes appelés nous entraîne à une analyse critique de nos modes de vie qui demande une méthode pour mesurer, évaluer et progresser. Cette conversion demande non seulement de la méthode mais aussi du temps et de la patience envers soi-même et envers autrui. Elle est, en soi, un itinéraire spirituel qui passe par une pratique pleine d’humilité, faite de proximité avec l’humus, avec la terre.
Cette conversion ne pourrait nous rendre pleinement heureux et satisfait, si elle devait se vivre seul, séparée des autres, sans liens d’amitié et de fraternité.
Chrétiens, nous devons être présents là où la vie surgit et se concrétisent par de multiples initiatives. Nous pouvons apporter une note singulière faite de joie et d’espérance. nourrie d’émerveillement et de gratitude.
En cette fête de la Pentecôte, c’est bien l’Esprit qui nous conduit à écouter le cri de la terre et des pauvres. Ce cri est un gémissement, il est aussi celui de l’émerveillement devant des faits de résistance et de vie.
Francis Weiss, spiritain en communauté à st Joseph d’Allex et directeur du Musée spiritain des Arts africains