Né le 13 Novembre 1944 au Souillot, dans une famille d’humbles exploitants agricoles du Doubs où ses parents surent donner une solide éducation à leurs onze enfants (6 frères et 5 sœurs, lui étant le septième de la fratrie…). Gaby restera toujours un homme attaché à la terre et à ce monde où les relations sont simples et directes, le travail dur et la vie exigeante car les ressources de la famille sont limitées. Toujours, il reviendra, à l’occasion des vacances, vers ce pays de pâturages et de forêts et n’oubliera pas d’en ramener à ses amis quelques kilos de ce fameux Comté qui fait la célébrité de ces hauts plateaux jurassiens.
Enfance dans le Jura, écolier dans la Drôme
Entré à onze ans à l’école apostolique de Bletterans, près de Lons-le saunier, institut tenu alors par les spiritains, il sera ensuite admis ici, à l’école des petits clercs de Saint-Joseph d’Allex, dans la Drôme en 1958. Il y restera jusqu’à la classe de première en 1963. Le destin, ou la Providence, a voulu qu’il décède dans ces murs tant chargés de mémoire pour lui. Il gardera un bon souvenir de ses professeurs, surtout un certain Vallery-Radot, qui lui apprend à aimer la culture classique et les grandes œuvres de la littérature française. Gaby écrira toujours dans un français impeccable et aimait jouer avec toutes les ressources parfois savoureuses de notre langue. Il ne s’en privait pas dans ses homélies ou conférences. Homme toujours naturel et abordable, il était aussi un grand lecteur et un homme de vaste culture, sans jamais en faire étalage. Il quittera cette école chère à son cœur pour entrer en classe terminale à Mortain, dans la Manche, avant d’intégrer le noviciat de Cellule, dans le Puy-de Dôme, en 1964, au terme duquel il fera ses premiers vœux le 21 Septembre 1965. Puis il retournera à Mortain pour deux ans de philosophie et après une année de surveillance apostolique il partira pour deux années à Madagascar pour faire sa coopération.
34 ans sur l’île Rouge
C’est là-bas, de 1968 à 1970, à Marovoay, un des greniers à riz de la Grande Île, où il est enseignant, qu’il attrape ce virus malgache qui ne le lâchera jamais. Dès que ses études de théologie sont achevées au séminaire des missions de Chevilly et après ses vœux perpétuels suivis de son ordination sacerdotale le 8 Juillet 1973 à Chapelle d’Huin, tout près du Souillot, il rejoindra avec enthousiasme sa première mission sur cette terre qu’on appelle aussi l’Île Rouge. Il y passera, en tout, près de trente-quatre ans, en plusieurs séjours, entrecoupés de périodes en France au service de la Province. Il aimait passionnément ce pays, son peuple, sa culture et ses paysages somptueux. Il parlait remarquablement le malgache et pouvait converser avec facilité soit dans un style soutenu avec une personnalité importante ou dans un style plus familier avec les gens ordinaires, connaissant les expressions populaires et pouvant même jouer avec l’humour local.
Très apprécié par ses paroissiens ou par les prêtres malgaches grâce à sa connaissance du pays, de son histoire et des débats politiques qui l’agitaient, il s’efforçait d’apporter sa pierre à la consolidation de cette Eglise de l’Océan Indien qui traversait des crises nombreuses et pouvait s’opposer parfois au pouvoir politique. Si, pour Gaby, l’évangélisation passait d’abord par la prédication, la formation des laïcs et des séminaristes, l’eucharistie étant toujours au centre, il n’y avait pas, pour lui, de véritable annonce de l’évangile sans défense de la justice et lutte pour les droits des petits. Le souffle du Concile le portait toujours.
De Fenerive-Est à Diego-Suarez, en passant par Tananarive et Majunga, il a su exercer son ministère avec passion et dévouement, sans ménager ses forces, pouvant tour à tour être curé de paroisse de brousse, vicaire de la cathédrale de Diégo, formateur et accompagnateur spirituel au grand séminaire de la capitale, économe au Foyer Laval de Tana ou supérieur du groupe spiritain et toujours, grand voyageur au volant d’un véhicule qui roulait à vive allure sur de longues distances et sur des pistes défoncées. Partout il se faisait des amis sans jamais se laisser enfermer dans un cercle de favoris ni être séduit par de quelconques avantages ou privilèges.
Guitare au cou et calice dans le sac
Gaby était tout entier donné à la Mission et savait se préserver des moments de solitude pour demeurer avec Celui qui l’avait appelé et était toute sa Joie. Il aimait parfois se détendre avec sa guitare en reprenant des vieilles chansons de feu de camp. Parfois, à Majunga, le dimanche après-midi était consacré aux baignades en mer avec des jeunes du quartier. Sa carrure imposante et sa jovialité en faisaient facilement un véritable meneur d’hommes qui savait rester, toutefois, à l’écoute des autres. Toujours, il revenait à l’essentiel, aux fondamentaux : La messe, l’étude de la parole de Dieu, la vie communautaire et l’accueil de toute personne que le Seigneur mettait sur sa route sans jamais oublier les plus humbles et les plus souffrants. En 2012, il quitta son dernier poste malgache, le foyer Brottier de Diego, et ce ne fut pas sans douleur. Il n’aimait pas trop évoquer ce départ difficile. Gaby, en bon spiritain, a su aussi se rendre disponible à de nombreuses reprises pour accepter des affectations en France et s’éloigner parfois de sa chère île.
Entre 1982 et 1986, il est au foyer Laval de Valence, puis, en 1997-98, formateur au premier cycle spiritain de Chevilly qui sera transféré à Lille où il demeurera jusqu’en 2003. A Lille, il sera aussi formateur au grand séminaire diocésain. Il surmontera avec courage un grave problème de santé qui n’entamera pas son désir de servir mais dont il gardera des séquelles jusqu’à la fin. Comme on dit familièrement, il n’était pas du genre à se prendre souvent le pouls. Comme formateur, derrière sa joie de vivre et son goût pour les échanges décontractés se cachait un sens de l’observation certain et un discernement sûr qui lui permettaient de repérer ceux qui avaient les qualités requises pour aller jusqu’au sacerdoce ou aux vœux perpétuels. Il avait d’ailleurs suivi lui-même une formation à Paris destinée aux formateurs du clergé. Il savait être exigeant tout en restant fraternel avec les étudiants.
“Prêtre, prof, assistant social, chef de travaux”
Puis, après un dernier long séjour à Madagascar entre 2003 et 2012, dans son cher Foyer Brottier qui domine la magnifique baie de Diégo, il rentre définitivement en France. Il passe une année au Château des Vaux, année difficile et éprouvante auprès des jeunes d’Auteuil, avant de rejoindre notre ancienne maison de Bordeaux, où il exerce la fonction d’économe tout en assurant avec bonheur la charge d’une paroisse de la banlieue de Bordeaux. Enfin une paroisse à nouveau ! Gaby aime les paroisses et il croit en elles malgré la désertification progressive et les difficultés grandissantes dans un monde chrétien français qui se transforme peut-être désormais trop vite pour lui. Pourtant « Vite », c’est un mot qui lui va bien.
Avec Gaby il faut aller vite. Il a horreur de perdre son temps. Cette précipitation, ajoutée à une certaine indifférence aux chose matérielles pouvait, pour certains, faire croire à une certaine légèreté. Mais il n’en est rien. Gaby n’est pas l’homme du détail (sauf en matière de liturgie où il aimait la rigueur) mais de l’essentiel, et l’essentiel c’est toujours la mission et les attentes des chrétiens. On n’abandonne pas les chrétiens pour se perdre en futilités et en vaines discussions. Les rendez-vous pastoraux, les confessions ou les enterrements attendent et la voiture est toujours prête à repartir, même s’il faut célébrer à plusieurs dizaines de Kilomètres devant une assemblée réduite. Chaque personne compte et a droit à la visite du prêtre. Après tout, Dieu lui-même ne compte que jusqu’à un et se moque des statistiques, comme disait André Frossard.
“Véloma” l’ami
Le ministère en milieu rural dans notre vallée de la Drôme et le Diois occupera l’essentiel de sa vie durant ses dernières années à Allex jusqu’à ce triste mercredi 3 Janvier où il nous a quitté sans faire de bruit. Mais avant Allex il y a eu un passage à la maison de la rue Lhomond comme supérieur provincial, entre 2015 et 2018. Je ne crois pas me tromper en affirmant que ces années à Paris n’ont pas été les plus heureuses de sa vie. Il ne s’en cachait pas, d’ailleurs, lorsqu’on lui posait la question et la Congrégation a eu la sagesse de le renvoyer vers les villages de cette partie de la Drôme qu’il connaissait bien depuis sa jeunesse grâce aux sorties de l’école et où il pouvait donner le meilleur de lui-même, tout en consacrant une bonne partie de ses journées à notre revue Saint-Joseph. Ici, à Allex, il a pu se remettre aussi à ses chères études bibliques et partager ses connaissances avec le groupe Nouvelle Alliance. Avec l’âge et la fatigue, les promenades dans le parc se faisaient plus rares et il consacrait plus de temps à suivre le foot et le rugby à la télévision et surtout, sa dernière passion sportive, le biathlon, un sport bien fait pour un jurassien.
Si certains aspects de la vie de l’Eglise pouvaient l’agacer ou même l’indigner, il n’a jamais partagé le pessimisme de certains catholiques et il croyait en Elle et en son Fondateur, sachant voir au-delà des imperfections et erreurs de l’Institution proprement dite. Il avait confiance dans le pape François et accueillait avec bonheur ce temps de réformes indispensables. Il suivait avec intérêt les campus ‘’Laudato Si’’ qui se déroulent dans cette maison et ses interventions, toujours bien construites, étaient appréciées. Entre les rencontres du CCFD auxquelles il participait régulièrement et l’appel du Pape François pour la sauvegarde de notre maison commune et en faveur d’une Eglise tournée vers les périphéries, il savait bien que l’avenir de l’Eglise, quels que soient les défis à venir, était porté par une Espérance nouvelle qui ne s’éteindrait jamais. Oui, « A Dieu » cher vieux compagnon ou ‘’Veloma’’ comme disent tes amis malgaches de France et de là-bas auxquels tu essayais de rester fidèle, entre dans la joie de ton Maître et que ton sourire, ton amour de l’Eglise et ton entrain puissent nous accompagner toujours.
Marc-Henri Jeoffre, spiritain à Allex
“Tonton Gaby nous a quittés, laissant un grand vide à sa place.C’est notre sage qui est parti. Il a toujours eu une place particulière dans la famille, son humour et son charisme nous manqueront. Que de bons moments passés ensemble.Chez nous à Epeugney quand il passait prendre le 4 heures avant de repartir vers d’autres horizons on faisait le “casse-croute soupatoire” la table était remplie de victuailles de toutes sortes et quand il repartait, effectivement on avait pas besoin de souper.Pour moi Gaby c’était avant tout Madagascar, c’est là-bas qu’il a passé la majeure partie de sa vie, et quiconque a eu la chance de l’y voir sera d’accord pour dire que c’était chez lui.Je le revois dans la rade de Diego avec ses sur-lunettes de soleil relevées qui lui donnaient une touche incomparable, au volant de son Hi-lux chargé d’une quinzaine de gamins pour aller à la plage.Ou sur la terrasse du foyer à siroter une THB à la fraiche après la prière du soir.Et la ferveur de ses ouailles quand il sermonnait en malgache!Le père Gabriel, c’était quelqu’un à Diego, à la fois prêtre, prof, assistant social, chef de travaux etc… Tous ceux qu’il a aimé, qu’il a aidé, petits et grands gardent un souvenir de lui.” Flavien, neveu de Gabriel
Le 3 janvier 2024 est décédé à Allex (26),âgé de 79 ans, Le père Gabriel VUITTENEZ
Né : 13 novembre 1944 à Le Souillot (25)
Profès : 21 septembre 1965 à Cellule
Prêtre : 8 juillet 1973 à Chapelle d’Huin (25)
AFFECTATIONS :
- MADAGASCAR : Fénérive-Est (1973-1978 : vicaire) ; Antsiranana (1978-1982 : Cathédrale, vicaire). FRANCE : Valence (1982-86 : Foyer J. Laval ).
MADAGASCAR : Tananarive (1986-1989 : Grand Séminaire, accompagnement . spirituel ; 1989-91 : Foyer Laval, économe) ; Mahajanga (1991-1997 : Supérieur principal) - FRANCE : Chevilly (1997-1998 : formateur au C.M. Laval) ; Lille (1998-2003 : Formateur au CML transféré). MADAGASCAR : Antsiranana (2003-2012 : Foyer Brottier). Château des Vaux (2012-13 : App. Auteuil) ; Bordeaux (2013-2015 : économe) ; Paris Maison-Mère (2015-18 : supérieur) ; Allex (2018-24 : Revue de Saint-Joseph).