Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent
Jésus fait une lecture d’événements passés et futurs pour nous mettre en garde contre nos manques de vigilance. Jadis, aux jours de Noé, on mangeait, on buvait, insouciants du déluge qui menaçait ; au temps de Jésus, Jérusalem ne semblait pas se douter de sa destruction prochaine, et aujourd’hui encore l’humanité inconsciente peut encore se réveiller dans la surprise et la peur… (les plus modernes de nos protections seront-elles plus résistantes que les murs de torchis de jadis ?)
Pourtant, dans le passé, il y a déjà eu des grands veilleurs : Noé, symboliquement, en était un : à l’écoute de Dieu, il a pu voir venir le tsunami sans pour autant en être tétanisé ; en rassemblant les siens et en protégeant la Création selon ses moyens, il a réouvert un avenir pour la planète ! Moïse a été un autre veilleur : toujours à l’écoute de Dieu, il a su éviter à son peuple l’implosion de l’esclavage en Egypte ; il a pris le risque de la mer et du désert : nous sommes les héritiers de ces veilleurs : Comment nous « tenir prêts » nous aussi ?
Veillez avec Lui en marchant par ses sentiers
Jésus parle du voleur qui arrive par surprise et vient percer les murs de la maison. Serait-il aussi comme le « voleur » qui arrive à l’improviste ? L’Apocalypse prend cette image pour évoquer l’Eglise de Sardes en train de s’endormir ? : Si tu ne veilles pas « je viendrai comme un voleur » (Ap 3,3) ; St Paul emploie la même expression pour secouer les chrétiens les chrétiens de Thessalonique (1 Th 5,2) et St Pierre la reprend pour inviter les jeunes communautés à se protéger des impies qui viennent pervertir l’Eglise (2 Pi,2). Jésus-Christ, souvent, vient donc nous surprendre comme le « voleur » en ébranlant et faisant tomber nos fausses protections ; mais en venant veiller avec nous, il nous sort d’une attitude craintive : loin d’une attitude de repli, c’est une « sortie » de nous-mêmes et vers les autres que nous sommes invités à faire avec Lui.
Une marche de foi pas à pas
Il nous arrive d’écrire sur nos cartes de vœux : bonne montée vers Noël (ou bonne montée vers Pâques). L’Ecriture nous a rendus familiers de cette image de la montée : Venez ! Montons à la montagne du Seigneur (Is 2,2). Et nous voyons Jésus lui-même entraîner les foules dans la montagne ou en « montant » avec ses disciples à Jérusalem.
Nos GPS ne suffisent pas pour nous indiquer les itinéraires pour atteindre ces hauteurs ; ils ne prévoient pas non plus les zones de brouillard à traverser ; nous avançons souvent en cherchant au jour le jour nos repères comme déjà les mages allant vers Bethleem. La marche de la foi est comme un « dévoilement » progressif, le Seigneur se chargeant de nous aider à lire les « signes des temps ». Pendant l’Avent, attentifs à ces signes, qu’Il nous enseigne ses chemins et nous irons par ses sentiers (1s 2,3). Il s’agit donc de se mettre en route avec Lui, en étant vigilants et clairvoyants ; si la marche se fait en partie de nuit, Il saura nous donner assez de lumière pour éviter « d’entrer dans la tentation » et de prendre de ces mauvais chemins « caillouteux » qui blessent la marche de tous.
Une montée « ensemble » vers la ville où tout ne fait qu’un
Il s’agit pour les veilleurs que nous sommes de faire la marche « ensemble » (en famille, en communauté, en église, en Synode…) Le danger du sommeil et même de l’abandon de poste, c’est l’indifférence spirituelle et le chacun pour soi qui en découle. Le pape François précise : la vigilance consiste aussi, concrètement, à être attentifs à notre prochain en difficulté, se laisser interpeller par ses besoins, sans attendre qu’il ou elle nous demande de l’aide, mais apprendre à prévenir, anticiper, comme Dieu le fait toujours avec nous.
Ce désir de marcher ensemble nous conduira à vivre la mission, à rejoindre d’autres pèlerins à découvrir la marche avec nous : tous les hommes de bonne volonté se sentent pèlerins… Et toute l’humanité – travaillée par l’Esprit porte aujourd’hui très fortement cette question sur son chemin : Comment ne plus apprendre la guerre ? et comment marcher un peu moins à tâtons dans les ténèbres. Oui, le Peuple de Dieu peut servir humblement de repère… Dans cette « montée » nos frères et sœurs en humanité nous pardonneront bien des erreurs si tous sentent que nous ne faisons pas semblant et sommes habités par une vraie espérance, devenant témoins émerveillés face à l’action de Dieu, à ses surprises. En nous aidant mutuellement, nous pourrons marcher avec un cœur libre, et même si nos yeux sont encore mal ouverts, avançant déjà un peu « comme si nous étions en plein jour » nous dit St Paul.
Alors bonne et joyeuse montée vers Noël !
François Nicolas, spiritain à la retraite bien active à la communauté de Chevilly-Larue