Dans notre récit du matin de Pâques tiré de Saint Jean, Marie-Madeleine est la 1ère à se diriger vers le tombeau. Elle fait partie des femmes qui ont suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Elle était présente lors de la crucifixion et de l’ensevelissement de Jésus.
Marie Madeleine vient seule au tombeau, le premier jour de la semaine, au grand matin. Ce matin où les ténèbres sont encore présentes. Marie Madeleine est dans la nuit, sa propre nuit de la foi ? car le Seigneur a été enseveli, lui qui se présentait comme la lumière du monde. Comment se relever de cet échec, elle avait mis toute son espérance en Jésus, Dieu n’est pas intervenu, doute et nuit profonde qui l’ont envahie et qui ont envahi les apôtres et ses amis qui l’accompagnaient.
Oh surprise, « elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée ». Ce tombeau fermé est désormais ouvert. Elle venait pour la sépulture d’un corps et voilà que le sépulcre est ouvert, et le corps absent. Par ses seules capacités, elle ne peut comprendre la sens du tombeau vide.
Et tout le monde court après la découverte du tombeau vide : Marie court pour avertir les disciples. Puis les deux disciples courent pour se rendre au tombeau et constater si elle dit vrai. On dirait une apparence de concurrence entre Pierre et Jean, c’est à qui serait le plus vite arrivé… L’autre disciple, celui que Jésus aimait, courut plus vite que Pierre. Ce disciple que Jésus aimait, le disciple fidèle jusqu’au bout, jusqu’à se tenir au pied la croix, son amour pour Jésus « lui donne des ailes » (pourrait-on dire). Simon Pierre arrive bien derrière, son découragement, sa propre nuit sont-ils les boulets qu’il traîne à ses pieds ?
Au cœur de la tempête
Une course effrénée. A ce stade de notre récit, nous sommes loin de la joie de ceux qui portent la Bonne Nouvelle à travers les montagnes. Car la nouvelle n’est pas bonne, Jésus a été crucifié et est mort sur la croix, mis au tombeau. Affolement et incompréhension : « on a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé », mauvaise nouvelle que Marie Madeleine porte aux disciples. Ces derniers, à leur tour, sont envahis par cette même incompréhension.
Une course effrénée, on fait dans l’émotion, trop vite, trop instinctif, au cœur de la tempête, on ne se pose pas pour « écouter dans la brise légère », pour discerner, faire la lumière. On est dans la désolation. Chacun court pour soi et ne voit que le tombeau vide, trouble, affolement…
De la désespérance, les yeux ouverts à la confiance, le cœur ouvert
Combien nous nous reconnaissons nous-mêmes dans cette désolation, dans cette désespérance : quand nous courons dans toutes les directions, sans réfléchir, sans prendre le temps de nous poser, et allons jusqu’à l’épuisement ; quand dans l’épreuve, nous ne voyons pas d’issue et broyons du noir, de la nuit. Quand nous jugeons et manquons de confiance dans les autres et en nous-mêmes et en Dieu. Dans certaines de nos situations critiques, nous nous demandons comment Dieu pourrait-il m’aider ? pourquoi le chercher, l’appeler, il est si loin, absent, disparu, intouchable ?
Mais, dans ce tombeau vide, tout est rangé et paisible : « les linges sont posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part, à sa place. » Ce n’est pas un voleur qui a dérobé le corps, il aurait tout mis sans-dessus-dessous. Pierre est entré dans ce tombeau, mais ce qu’il voit ne lui est pas suffisant pour conclure et qu’éclate déjà dans son cœur la joie de la Résurrection.
Le disciple que Jésus aimait. « Il vit et il crut ». Eclate en son cœur la joie de la Résurrection, de la désolation il passe à la consolation. Son amour de Jésus lui révèle cette Bonne Nouvelle. Le vide du tombeau, c’est la victoire de l’amour sur la mort, de la lumière sur les ténèbres et la haine. Et l’apôtre bien aimé se rappelle que, selon les Ecritures, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Jésus le leur avait dit, qu’il devait souffrir, mourir et ressusciter le 3ème jour. Pour l’apôtre bien aimé, l’absence du corps de Jésus dit la présence même de Dieu. La suite du récit le montrera avec la rencontre entre Jésus Ressuscité et Marie de Magdala.
Alleluia de nos petites resurrections
L’important pour chacun d’entre nous qui chantons Alléluia ce matin, c’est de nous souvenir des petites Résurrections dans notre vie qui ont saveur de la Résurrection finale. C’est d’accueillir aujourd’hui le jaillissement de la vie du Ressuscité dans notre cœur.
L’important, c’est de percevoir les fruits de la Résurrection dans la vie de nos frères et sœurs, c’est de discerner les petites Résurrections dans le cœur, dans la vie de nos frères et sœurs.
L’important, c’est de percevoir la vie du Ressuscité dans notre Eglise. Pour exemple, après le choc du rapport de la Ciase et la forte attente qu’il a suscité, les diocèses et les congrégations religieuses se sont engagés sur un chemin de vérité, chemin d’accompagnement des victimes et de reconnaissance. Le chemin offert aux personnes victimes porte des fruits d’apaisement. L’Eglise s’engage résolument pour qu’elle soit un lieu sûr pour les plus petits et pour tous.
Que nos cœurs, en ce matin de Pâques, passent de la désolation à la confiance. Accueillons son Amour gratuit et sans mesure pour tous les hommes de la terre. Alléluia, le Seigneur est Ressuscité, il est Vivant. Il est vraiment Ressuscité.
Homélie de Pâques de Serge Ballanger, en communauté à la maison-mère à Paris