Message de l’Avent de Marc Soyer, aumônier d’hôpital
«C’est surtout dans ses rencontres et ses gestes de compassion que Jésus annonce la Vie qui naît ou qui renaît, là où la mort semblait gagnante.»
Marc Soyer
Ce 23 décembre, l’Eglise nous offre de méditer à partir du récit de la naissance de Jean le Baptiste : « Quand fut accompli le temps où Elisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils… » Demain, 24 décembre dans la nuit, ce seront presque les mêmes mots… avec des prénoms différents : Marie… Jésus. Mais également une naissance ! Alors je n’hésite pas à passer du temps à méditer sur ces mots : naissance, naître, né de… Et aussi sur les mots : commencement, recommencement…
L’année qui s’achève aura été traversée par les mots maladie, pandémie, décès…. Alors comment oser parler de ‘naissance’ ? Pourtant la naissance de Jean, avec son contexte d’inattendus, d’imprévisibles, d’inconnues…, nous invite à guetter des signes de naissance dans nos vies. Dans la vie de notre monde au cœur duquel l’Eglise partage les mêmes joies et les mêmes peines, il revient à tous celles et ceux pour qui Noël a gardé son vrai sens, de chercher plus que jamais les milliers de petits signes de ‘naissance’. Car ils sont signe d’espérance !
De la naissance de Jean à celle de Jésus, de la renaissance de tous les estropiés, boiteux, aveugles, lépreux, muets à celle de Jésus ressuscité, l’évangile est traversé d’une multitude de naissances au contours variés. Les paraboles de Jésus nous en rappellent quelques-unes : la semence qui germe, l’arbre qui donne son fruit, le grain tombé en terre : il meurt pour faire naître une plante …. C’est surtout dans ses rencontres et ses gestes de compassion que Jésus annonce la Vie qui naît ou qui renaît, là où la mort semblait gagnante.
Expérimenter sa fragilité, sa faiblesse, son impuissance
Dans mon ministère d’aumônier à l’hôpital, c’est un mot de Ste Thérèse de Lisieux qui éclaire de plus en plus ma présence aux personnes malades, surtout les plus ébranlés par la maladie ou ceux et celles qui sont en soins palliatifs. Son mot – « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie… » – autrement dit ‘je nais à la Vie’- a changé mon regard et mon attitude lors de mes rencontres avec les personnes malades. Depuis près de trente ans que je me suis fait proche de celles-ci, en communauté ou en hôpital, et surtout depuis 4 ans, au contact de malades atteints d’un cancer, je croise des hommes et des femmes, de tous âges, mais aussi des enfants que la maladie a conduit à expérimenter leur fragilité, leur faiblesse, leur impuissance … Je suis renvoyé à la précarité qui a entouré la naissance de Jean-Baptiste, et plus encore celle de Jésus.
Si je ne suis pas, avant chaque nouvelle rencontre avec un malade que je visite dans sa chambre, un ‘guetteur de vie’, un artisan de ‘naissance’, je risque de laisser celui qui attend une lumière, une étincelle d’espérance, dans sa solitude et sa peur, et même dans son angoisse. D’abord et surtout, il me faut l’écouter, longuement, patiemment, respectueusement. Et jusqu’au bout de sa révolte et de ses cris peut-être. Ecouter et accueillir son histoire ‘chargée’ de souffrances, d’épreuves, de chagrins… ; une histoire où des joies ont aussi jalonné la route… La confiance qui m’est offerte par la personne qui m’accueille me conduit à me désencombrer, à me laisser habiter par le poids – souvent si lourd de sa vie. Une vie où les traces d’échec, de mort ont parfois mal cicatrisé…Je me risque alors à faire renaître des signes d’espérance et d’amour au cœur de cette histoire qui a été un combat, souvent. Nous cherchons ensemble à élaguer ce qui a goût de mort dans ce passé. Et tout cela, je propose de le tourner vers le Visage de Celui qui peut faire renaître l’espérance et la consolation. Beaucoup de silences… où le droit de pleurer permet un soulagement intérieur. Alors, ma place d’accompagnant est comme celle de Jean-Baptiste : il montre l’AUTRE, qui fait naître à une vie nouvelle ; et aussitôt il s’efface pour LE laisser agir en celui ou celle qu’IL n’a jamais cessé de chercher. Oser dire à la personne qui était découragée ou culpabilisée ou qui se sentait indigne : ‘va vers LUI ; Il t’attend ; Il t’appelle ; Il t’aime…IL veut te faire naître à nouveau’. Alors fondent la peur et l’angoisse. Et la Paix du cœur peut habiter au plus profond de la personne malade. Elle le fait renaître, et son sourire en témoigne comme ses paroles. Le visiteur que je suis se retire, laissant la place à Celui qui est Source de Vie.
Moments exigeants, et qui bousculent, jusqu’à en être éprouvants : pas simple de se faire proche de celui qui souffre… J’ai un grand besoin de passer à l’oratoire de l’hôpital, pour prier en sortant des chambres où j’ai été témoin de telles transformations. Prière toute simple, que je répète très souvent : ‘aide-moi à naître de Toi, Seigneur et fais de moi un humble passeur de vie et d’espérance’. Prière qui se poursuit aux Vêpres, le soir, et à Laudes, le lendemain, avec la communauté.
Marc SOYER, spirtain, aumônier d’hôpital à Paris