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Le P. Chrislain Loubelo, est originaire du Congo Brazzaville. Après un bref séjour dans la forêt équatoriale auprès des pygmées Aka, le voici à Marseille pour y découvrir sa mission d’aumônier à Apprentis d’Auteuil. La mission est toujours un chemin à vivre avec des personnes en présence de Dieu, quel que soit le lieu où l’on se trouve.
Je ne m’attendais pas à quitter, si tôt, le diocèse d’Impfondo au Congo Brazzaville pour être envoyé en mission en France et je suis parti avec un léger goût d’inachevé. Profondément impliqué dans ce que je faisais, je commençais à prendre racine. Bien qu’originaire du Congo, je n’étais pas familier de l’immensité de cette forêt tropicale inondée de la Likouala, au nord du pays. Elle m’inspirait fascination, peur et recueillement. Par-dessus tout, les rencontres que j’y ai faites m’ont profondément marquées. Aimant un peu l’aventure – la Mission n’en est-elle pas une ? – j’ai été servi en dépaysement. Partager le quotidien des Akas, populations autochtones (au Congo on ne les appelle plus « pygmées ») m’a conforté dans la conviction qu’il ne sert pas à grand-chose de compliquer les choses.

Si c’est avec joie que j’ai rejoint la mission en France où j’étais attendu et bien accueilli, je ne cache pas que c’est avec un pincement au cœur que j’ai quitté les profondeurs de la forêt équatoriale où je me suis découvert encore un peu plus.

Un air de déjà vu

On m’avait prédit le dépaysement et je m’y attendais : il a été au rendez-vous ! L’avion est arrivé à l’heure à Paris. Merci à Jean-Pascal et Benjamin qui sont venus me chercher. A 7h00, le soleil tardait à se lever, il faisait encore nuit. A Enyelle, j’avais du mal à rester au lit le matin, à cinq heures du matin, le soleil pointait déjà à l’horizon ses premiers rayons… Dépaysement ? Non, je suis un peu habitué à traverser les frontières, je m’y suis fait avec amusement, et ce n’était pas mon premier séjour en France. Une image retient mon attention : un homme, un enfant à califourchon sur les épaules et un autre lui tenant la main marchant son cartable au dos. Visiblement, un père de famille accompagnait les enfants à la crèche ou à la maternelle. Image pleine de tendresse. Les épaules de papa n’ont pas perdu de leur douceur et confort malgré la poussette restée vide, aussi « tendance » soit-elle, ai-je pensé…

Après un bref séjour à Paris, je rejoins la communauté de Marseille. C’est sur le chapeau des roues que je commence comme aumônier aux Apprentis d’Auteuil. C’était une période de réunions. J’ai eu droit à une belle avalanche d’informations : visages, noms, sigles, structures et dispositifs à « Auteuil ».

C’est enrichissant et tant mieux. Je découvre avec émerveillement qu’il y a plus que ce que je savais sur Auteuil. J’en avais déjà entendu parler au Congo, car la branche internationale d’Auteuil accorde son soutien au centre de formation professionnelle Sala Ngolo, dans un dispositif pour la protection de l’enfance. C’est avec beaucoup de joie que je découvre peu à peu les diverses actions de la Fondation. Je touche du doigt la réalité sur le terrain. Je suis fasciné par l’engagement de chacun à son poste de responsabilité. Le souci pour les jeunes et les parents est au cœur des préoccupations.

La laïcité à la française : la grande équation

« Bonjour mon Père. Bienvenu en France ! ». Si j’avais pu, j’aurais rougi à la salutation courtoise de cet agent de la police des frontières estampillant mon passeport… Avec un col romain, l’habit fait parfois le moine !
La laïcité, il paraît que le sujet fait couler beaucoup d’encre et de salive. C’était l’une de mes attentes à la session Welcome organisée à l’attention des agents pastoraux arrivant en France : me concilier avec ce concept, pour mieux comprendre la marge de manœuvre. Je suis nommé à Apprentis d’Auteuil, Fondation catholique reconnue d’utilité publique : voici une combinaison de mots que j’ai eu un peu de mal à comprendre dans le contexte de la laïcité à la « française ». Grâce la session Welcome et aux lectures qui ont suivi, j’ai eu des pistes.

A Auteuil, je chemine avec d’autres

« L’aumônier, est avant tout, un signe de l’amour gratuit de Dieu pour son peuple. Son ordination et son envoi en mission dans la Fondation le constitue comme pasteur de la communauté de vie éducative où il est envoyé. Il témoigne d’un profond respect envers ceux qui ne croient pas et envers ceux qui croient autrement ». La fiche de fonction de l’aumônier que j’ai reçu et que je cite est assez éloquente sur la question. En plus de la feuille de route, la spontanéité et la créativité au quotidien font le reste pour une relation vraie à l’autre.

Je ne suis pas en paroisse. « Et alors, qu’est-ce que tu fais exactement ? » me demandait une amie. « Je chemine avec d’autres » ai-je répondu. En effet, parcourir ensemble un chemin est l’une des quatre dimensions de la relation qui caractérise le projet éducatif d’Apprentis d’Auteuil, les trois autres étant la personne, la communauté et la rencontre. Le projet éducatif d’Auteuil a un fond anthropologique chrétien, ayant le souci du développement humain et spirituel de tous. Ensemble devenir des femmes et des hommes debout… C’est ENSEMBLE qu’on avance, personnes accueillies, formateurs, éducateurs, agents pastoraux, pour Comprendre et donner du sens, thème que nous approfondissons tout au long de cette année.

Volontaire durant le confinement

Le temps de confinement nous a offert encore plus de temps à partager avec d’autres. J’ai fait partie du groupe de six bénévoles du Secours Catholique envoyés pour soutenir le Samu social de la ville de Marseille qui ouvrait des douches pour les personnes vivant à la rue. La proximité d’un de ces centres, le stade Vallier, m’a permis d’assurer ce service après dialogue avec le Supérieur provincial et son Conseil, et ma communauté. Il n’a pas été facile de décider, mais la confiance en Dieu et le respect des consignes sanitaires ont permis que cela se fasse. Accueil chaleureux dans la simplicité et échanges fraternels, voilà les souvenirs que j’en garde. Au niveau de l’organisation, j’ai bien apprécié la « mutualisation » du personnel. Avec quelques jeunes accueillis à Apprentis d’Auteuil, nous avions déjà participé à la préparation de maraudes, avant la crise covid19, mais pendant le confinement, la proposition était restée en berne.

Ces deux mois de confinement m’ont aussi permis de faire quelques travaux d’entretien dans le jardin de la communauté, en m’improvisant paysagiste. Lectures, études ont aussi été de la partie. J’ai veillé à garder le contact avec les autres. La vie de prière liturgique en communauté a gardé son caractère ordinaire, mais c’est le quotidien qui a connu des adaptations.

Je commence cette autre aventure missionnaire avec confiance. Heureux de faire ce que je fais. D’ailleurs, je n’ai jamais eu l’impression « d’être prêtre autrement » en vivant un ministère ou un apostolat différent de la pastorale classique en paroisse, puisque j’y rencontre aussi Dieu et que je le célèbre. Il est juste question de vivre avec Dieu et les autres… tout simplement.

Chrislain LOUBELO, CSSp

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